OUILLE : Le retour de Rosario et les endotoxines

De tous les souvenirs qu’ont laissés les Jeux olympiques de Paris, l’histoire de Rosario Murcia n’est pas la moins surprenante. Loin de là!

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Le nom de Rosario Murcia n’est probablement pas inconnu des amateurs d’athlétisme. Au début des années 90, cette athlète française comptait parmi les meilleures coureuses de demi-fond dans le monde avec notamment quatre titres de championne de France. Elle était aux Jeux de Barcelone en 1992. Puis on perd sa trace après le gros coup de chaud qu’elle a subi lors des championnats d’Europe d’Helsinki en 1994. Ce fut donc une immense surprise d’apprendre qu’elle ferait son retour à l’occasion des Jeux paralympiques de Paris, trente ans plus tard. Elle s’est donc alignée sur marathon et a fini la course à une méritoire quatrième place dans la catégorie des T12 réservée aux déficients visuels (*). Sa présence dans la course est une belle leçon de résilience. Elle nous offre aussi l’occasion de réfléchir à un cas clinique peut-être moins exceptionnel qu’on le penserait de prime abord. Rosario est persuadée en effet que l’infirmité qui la frappe —elle est pratiquement aveugle— trouve son origine dans son passé d’athlète.

La faute aux endotoxines

En 1994, Rosario Murcia vit une grave défaillance lors de son premier marathon aux championnats d’Europe, qu’elle termine déshydratée et en 29e position. Selon elle l’hypothèse qu’elle défend, sa déshydratation aurait déclenché le processus de destruction de son nerf optique. Cela vous paraît difficile à croire? Le raisonnement tient pourtant la route. L’assèchement de l’ensemble des tissus de l’organisme se serait soldé chez elle par un décollement de la rétine suivi d’un glaucome qui, progressivement, lui a coûté la vue.

De prime abord, personne n’imaginerait qu’on puisse s’abîmer les yeux en poussant un exercice à l’extrême.

Le physiologiste sud-africain Tim Noakes (Université du Cap) lui a apporté la meilleure réponse. Lorsqu’on manque de liquide, tous les tissus sont effectivement mis à la diète. En particulier ceux de la muqueuse intestinale qui perdent ainsi leur capacité à filtrer le passage des résidus alimentaires dans le sang, à l’image des sols crevassés par l’absence de pluie et les très fortes chaleurs en cas de sécheresse. Un tel sol ne peut rien retenir. Les muqueuses digestives non plus. Elles laissent alors passer toutes sortes de substances indésirables dans la circulation, notamment des fragments de bactéries intestinales appelées “endotoxines”. En clair, une forte surchauffe à l’effort entraîne un véritable empoisonnement du sang dont il faudra des jours, des semaines et parfois même des mois pour s’en remettre.

Attention les yeux!

Les endotoxines, longtemps mal comprises, sont désormais reconnues comme des déclencheurs potentiels de maladies auto-immunes. Elles peuvent activer certains globules blancs, qui libèrent alors des cytokines à l’origine d’inflammations importantes.

Saviez-vous que 20% de nos lymphocytes constituent ce qu’on appelle des globules blancs “auto-réactifs”? En d’autres termes, ils sont programmés pour détruire une catégorie bien particulière de cellules endogènes, à condition qu’on leur en donne l’ordre. Selon les cas, ces cellules attaquent différents tissus : pancréas (diabète), thyroïde (Hashimoto), intestin (recto-colite), etc.

Ils ont été “désarmés” durant la vie fœtale et on n’a rien à craindre de leur présence. Sauf évidemment s’ils se trouvent ravivés par la rencontre avec un virus, une bactérie ou n’importe quelle endotoxine perturbatrice. Chez des personnes porteuses de l’antigène HLA B27, le risque de déclencher une spondylarthrite ankylosante est 200 fois plus élevé que dans le reste de la population. Des spécificités semblables existent sans doute pour les autres tissus. Dans le cas de Rosario Murcia, l’attaque se serait produite au niveau de la rétine. C’est plus rare!

Les cellules de la rétine sont difficilement accessibles par les agents du système immunitaire. Même chose pour le nerf optique. Tout change en cas de décollement de la rétine. Le sang afflue alors dans l’œil et le processus de destruction peut alors se mettre en place et conduire lentement mais sûrement vers la complète cécité.

Comment pourrait-on réduire ce risque? C’est simple. Il faut absolument éviter cette invasion d’endotoxines dans le sang. Cela implique de prendre régulièrement des boissons de l’effort légèrement sucrées et salées. L’eau entre plus vite dans les cellules en présence de glucose et de sodium. Il faut aussi tenir compte des signes annonciateurs du coup de chaud: mal de tête, mal de ventre, perte de lucidité, vomissement ou encore cette sensation bizarre de poils qui se hérissent.

L’adage qui préconise de ne jamais abandonner a déjà fait bien assez de dégâts. Du moins si l’on veut préserver la bonne santé de ses articulations, de ses viscères… et de ses yeux! Denis Riché

(*) Cette catégorie est limitée aux athlètes qui perçoivent leur environnement dans un rayon de moins de cinq degrés et/ou qui ne peuvent pas reconnaître un objet en mouvement à une distance d’un mètre.

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