Voyage en « Zone 2 » : la clé de la réussite de l’entraînement en course à pied ?

Les méthodes d’entraînement en course à pied sont régulièrement « revisitées » comme les recettes de gastronomie traditionnelle. Actuellement, on vante les mérites du « Zone 2 training ». En clair, on accumule les kilomètres courus à moyenne intensité. Que faut-il en penser ? Zatopek Magazine a mené l’enquête !

Les recommandations d’entraînement évoluent au fil du temps. C’est normal. Mais ce qui est étonnant avec notre époque, c’est que ces recommandations évoluent dans des sens radicalement différents.

D’un côté, on prône des exercices très courts et très intenses avec des méthodes regroupées sous les initiales HIIT (« high intensity interval training »). A l’extrême opposé, on trouve des méthodes comme cette fameuse « zone 2 training » qui préconise tout le contraire. Il faut faire ici des sorties longues, voire très longues, à une allure plutôt pépère et régulière.

La Zone 2, c’est quoi ?

La zone 2 se définit par une intensité d’effort comprise entre 60 et 70 % de la fréquence cardiaque maximale. Et si l’on n’a pas de cardio ? C’est facile. En zone 2, on est tout à fait capable de courir et de parler en même temps, même si c’est parfois de manière hachée. Pour les athlètes dilettantes, la zone 2 est une vitesse de course très naturelle. Elle l’est aussi pour les athlètes de l’élite, du moins ceux qui appliquent cette recommandation du « zone 2 training » de passer près de 70 % du temps consacré à l’entraînement à ces allures jugées faciles. On peut même monter jusqu’à 80 %.

ZoneFréquence cardiaque
Zone 150-60% de la fréquence cardiaque maximale
Zone 260-70% de la fréquence cardiaque maximale
Zone 370-80% de la fréquence cardiaque maximale
Zone 480-90% de la fréquence cardiaque maximale (on parle aussi de vitesse au seuil)
Zone 590-100% de la fréquence cardiaque maximale (entraînement HIIT)

Le chef de file de cette école s’appelle Inigo San Millan (53 ans). L’homme a grandi dans le Pays basque espagnol où il a d’abord mené une modeste carrière de coureur cycliste. A 21 ans, il est parti aux Etats-Unis pour réaliser des études de physiologie. Aujourd’hui, il est professeur à l’Université du Colorado (Etats-Unis) et chercheur dans un département qui étudie les mécanismes d’oxygénation cellulaire.

Inigo San Millan est aussi actif dans le sport de haut niveau. Il fait partie de la formation cycliste UAE (celle des Emirats Arabes Unis) et gère en particulier la préparation physique du Slovène Tadej Pogacar, un des meilleurs coureurs contemporains. Inigo San Mullan est donc une pointure dans son domaine même si, sur sa fiche de présentation, on trouve aussi quelques lignes moins reluisantes. Avant de travailler au sein de l’équipe UAE, il figurait dans le staff technique de formations comme ONCE, Saunier-Duval ou Astana, toutes réputées pour leur grande tolérance à l’égard du dopage. On prendra donc ses explications scientifiques avec les réserves qu’on doit aux prises de position de tous ces chercheurs qui ne jouissent pas de la plus élémentaire des indépendances.

Des mitochondries à la chaîne

Mais quels sont les avantages du « zone 2 training » ? Pour Inigo San Millan, c’est simple. C’est la meilleure méthode pour multiplier le nombre de mitochondries présentes dans la cellule.

Des mitochondries ? Rappelons que ces organites jouent un rôle essentiel dans l’oxygénation tissulaire. Souvent, on les présente comme des petites centrales énergétiques. Elles permettent de transformer nos stocks de sucre et de graisse en molécules ATP (adénosine triphosphate) indispensables à la contraction musculaire. Plus elles sont nombreuses, plus on sera capable de produire ce précieux ATP. Et donc d’améliorer ses performances.

Le docteur David Hood (Université de Toronto) fait partie lui aussi de ces chercheurs littéralement passionnés par ces petits organites cellulaires et par leur origine vraisemblablement exogène. Cela signifie qu’elles ont été incorporées dans nos cellules dans un passé lointain, soit il y a deux milliards d’années environ. Cela leur vaut de jouir encore d’une certaine autonomie de fonctionnement grâce notamment aux bribes d’ADN qu’elles contiennent et qui permettent de remonter le fil des générations uniquement par le biais des mamans.

Hood s’intéresse plus spécifiquement au vieillissement des mitochondries et à la nécessité de remplacer les plus anciennes par des jeunes plus performantes.

On savait déjà que ce travail de remplacement était favorisé par l’habitude de s’adonner régulièrement à des exercices physiques. À présent, on sait aussi quelle intensité d’effort est la plus favorable au renouvellement. On vous le donne en mille ! Il s’agit évidemment de la fameuse zone 2 où l’intensité est suffisante pour activer les filières de production tout en évitant le déclin provoqué par des efforts plus intenses.

Autre avantage : ces nouvelles mitochondries apprennent à brûler un maximum de graisses, ce qui sera très précieux le jour de la compétition. Certes, la course se déroulera à des intensités d’effort supérieures à celle des entraînements en zone 2. Néanmoins, l’athlète tirera bénéfice de son aptitude à oxyder les graisses car elle lui permet d’épargner un peu de son précieux glycogène pour des fins de courses explosives — la spécialité de Pogacar — alors que tous ses adversaires sont en bout de leur réservoir. Tel serait le principal avantage du « zone 2 training ».

Attention à l’excès de Zone 2

Attention toutefois à ne pas s’y consacrer exclusivement. De temps à autre, il faut aussi monter dans les tours pour que le corps garde la mémoire des efforts intenses à fournir, à la fois sur le plan gestuel et métabolique. Les muscles aussi sont concernés. Ces gros efforts engagent toute la masse et pas seulement le pourcentage plus restreint des faisceaux sollicités dans des efforts moins intenses.

Sur le plan mitochondrial enfin, on a vu que les efforts modérés favorisent la prolifération des organites. Lorsqu’on fait de l’intensité, on peut aussi améliorer le rendement de chacune d’entre elles. Au bout du compte, la recommandation sera de faire de longues sorties peu intenses entrecoupées de séances plus courtes mais où on lâche les chevaux.

 

Découvrez l’article complet et bien d’autres sujets dans le dernier numéro (août – septembre – octobre) du Zatopek Magazine.

Tous les trois mois, le magazine Zatopek fait la démonstration qu’on peut parler de course à pied de façon surprenante, instructive, drôle et même émouvante quelques fois. À découvrir absolument pour tous ceux qui sont déjà coureurs. Et tous ceux qui ambitionnent de le devenir.

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