Dans son livre best-seller Son odeur après la pluie, Cédric Sapin-Defour parle du lien spécial qui unit deux êtres d’espèces différentes: un maître et son chien. Ce lien a parfois des conséquences inattendues comme celle de transformer le maître en coureur à pied!
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Depuis sa parution en mars 2023, Son odeur après la pluie de Cédric Sapin-Defour rencontre un immense succès, notamment en abordant la profonde relation entre l’auteur et son bouvier bernois, Ubac. Le livre explore l’attachement unique entre l’homme et l’animal, et la manière dont cette connexion bouleverse la vie et la perception de la mort
Changement d’horizons
Avant d’avoir Ubac, Cédric Sapin-Defour était déjà un sportif accompli. Son sport de prédilection? L’alpinisme! Jusqu’alors, lorsqu’il s’évadait en pleine nature, c’était le plus souvent pour des balades verticales. Un biotope qui ne convient pas du tout aux chiens, évidemment. Il a donc dû changer ses habitudes de vie. De façon amusante, il écrit que le chien l’a « horizontalisé ». « Ce chien m’a réappris à lire le vivant autour, à écouter les musiques de la nature, ses amplitudes, ses respirations, à mesurer ses états, à déchiffrer ses codes. » A la lecture de ce récit, on mesure à quel point la relation unissant l’homme et l’animal, en l’occurrence un chien, peut être le déclencheur de grandes découvertes et de remises en question. Enquêtez autour de vous, vous verrez.
La balade de Joey et Susie
A la radio ou à la télévision, beaucoup d’émissions sollicitent les réactions du public en leur demandant d’apporter leur avis ou de réagir sur des thématiques de société. Certaines initiatives recueillent beaucoup de succès. D’autres moins. C’est la loterie. Puis il y en a une qui marche à tous les coups: c’est lorsqu’on invite les gens à parler de leur relation avec leurs chats, leurs chiens et leurs autres animaux de compagnie. Chaque histoire est particulière et souvent touchante. Voici celle de l’ultra-traileur anglais Chris O’Connor. « Lorsque j’ai quitté le Royaume-Uni pour m’installer dans la campagne de West Cork, à la pointe sud-ouest de l’Irlande, je me suis senti un petit peu seul. Au centre de sauvetage des animaux, je suis tombé alors sous le charme de Joey, un springer anglais croisé avec un border collie. Je l’ai adopté et, dès le premier jour, il m’a accompagné lors des longues sorties d’entraînement. Nous faisions dix, quinze kilomètres. Parfois beaucoup plus. Au début, c’est moi qui lui apprenais la course. Très vite, la situation s’est inversée et je me suis alors aperçu qu’il était beaucoup plus facile de se lever tôt le matin pour aller courir lorsqu’on est au contact d’une telle impatience. Comme je ne voulais pas qu’il se sente seul, six mois plus tard, j’ai adopté Susie, un épagneul breton femelle. Désormais, nous sommes trois à arpenter les collines ou la plage. Tout le monde nous connaît dans la région. » Les chiens sont des auxiliaires de vie très précieux pour les coureurs lorsqu’il s’agit de pallier une carence passagère de motivation. C’est d’ailleurs ce qu’explique aussi l’ultra-traileuse et journaliste américaine Amelia Arvesen. De son observation de sa chienne Kona en train de courir, les oreilles pointées vers l’arrière, la queue haute et le corps bondissant, elle écrit: « je sais qu’elle est la plus heureuse en courant ». Puis elle ajoute: « cela me rappelle que je le suis aussi ».
70 kilomètres/heure en 3 secondes
Dans les exemples suivants, on évoque l’existence de chiens qui aiment courir. C’est le cas de la majorité d’entre eux. Certaines races sont même particulièrement bien profilées pour cet exercice comme les borders collies qui atteignent parfois 48 kilomètres/heure ou, plus surprenant, les Jack Russel qui, malgré leur petite taille, peuvent faire des pointes à 52 kilomètres/heure. Puis il y a les lévriers, au sommet de la hiérarchie. Dans les cynodromes, les meilleurs atteignent des vitesses de l’ordre de 70 kilomètres en trois secondes à peine. S’ils sont capables d’accélération foudroyante, les chiens sont moins doués pour la gestion de l’effort. « Je les emmène avec moi mais seulement pour les sorties courtes et rapides », témoigne l’ultra-traileur états-unien Jeffrey Stern. Il explique que ses chiens gèrent mal leur vitesse. Ils courent très vite jusqu’au moment où ils s’arrêtent sur le bord du chemin, vidés de leurs forces. Là encore, on trouve pourtant des profils très différents selon les élevages et les tâches traditionnellement dévolues aux différentes races: chien de berger, chien d’arrêt, chien de garde. De plus, il faut tenir compte des très fortes variantes interindividuelles. Car les chiens sont dotés d’une personnalité propre. Les uns aiment l’effort. Les autres préfèrent le panier.
Un cœur plus vaillant
S’ils diffèrent dans leur attrait pour la course, les chiens ont presque tous en commun d’aimer les promenades et ils les apprécient d’autant plus que, de leur point de vue, le mauvais temps n’existe pas. Et les contingences non plus. « Quand j’ai eu le covid en 2022, j’ai fait l’effort de sortir car les chiens avaient besoin de faire de l’exercice », poursuit Chris O’Connor. « C’était dur, mais je me suis forcé et au final, je reste persuadé que faire battre mon cœur au grand air m’a aidé à récupérer plus rapidement. » Pour lui, c’est sûr. Les chiens nous maintiennent en forme. En 2017, des chercheurs de l’Université d’Uppsala en Suède se sont demandé si des convictions de ce type recouvraient une réalité scientifique. Résultats de l’enquête? A âge égal, les propriétaires de chiens diminuaient de 15% le risque de mourir d’une maladie de cœur et de 11% celui de mourir d’une autre maladie. N’importe laquelle!
Une bonne humeur de chien
Il existe une expression très injuste en français. Pour désigner quelqu’un qui fait la gueule, on dit qu’il est d’« une humeur de chien ». Or les chiens sont le plus souvent d’excellente humeur. Leur empathie naturelle constitue même une autre explication plausible à l’effet bénéfique que leur présence exerce sur notre santé. Car il n’y pas que l’habitude de la promenade. Très souvent, l’amour qu’on porte aux animaux cimente les couples, les familles. Dans le milieu du travail aussi, on a démontré que la présence d’un chien ou d’un autre animal de compagnie réduisait le stress et améliorait la productivité des employés.
Dans The Journal of Experimental Biology, des chercheurs de l’Université de l’Arizona (Etats-Unis) ont récemment livré le résultat d’expériences qui consistaient à mesurer le taux d’endocannabinoïdes sur des humains, des chiens et des furets après les avoir fait courir sur un tapis roulant à des vitesses suffisamment rapides. Leurs échantillons de sang respectifs ont alors révélé que les humains et les chiens avaient en commun d’élever leur production d’endocannabinoïdes à l’effort. Pas les furets. Conclusion? Si l’on s’entend si bien entre humains et chiens, c’est peut-être aussi en raison de notre aptitude à tirer du plaisir d’une activité qui nous a sûrement été très utile tout au long de notre histoire évolutive. On pense à quoi? A la course à pied, pardi!